jeudi, février 3


GERM vs q.o.d présente :

SANS THÈME (MOI NON PLUS)

Ça devrait se produire après une journée de travail, ou de recherche d’emploi, de RTT, d’oisiveté, ça devrait se produire après une journée de cours, ou pas, mais l’essentiel c’est que ça devrait se passer ici, au Saint-Patrick, dans cette rue obscure et discrète. « Tu veux du bon son ? » vous demandera peut-être quelqu’un, accroché à sa boisson énergétique noyée de vodka, crachant dans vos oreilles son haleine chargée. Et vous vous direz que oui, pourquoi pas, parce que vous êtes jeune. Alors vous plongerez un peu plus avant dans les remugles et la fumée, pour emplir vos esgourdes de rebelle du vendredi soir (de onze heures à deux heures du matin, et sur rendez-vous). Ce qui vous frappera, tout d’abord, ce seront les vidéos diffusées au rythme de l’électro. En début de soirée, vous essaierez de suivre ce qui se passe sur l’écran. Après quelques verres, vous aurez l’impression d’avoir compris. Vous observerez le ballet des deejays derrière leurs platines, venant jouer à tour de rôle, avec une politesse exquise, aucun n’empiétant sur les plates-bandes de l’autre, maximum respect, il y aura du rouge et il y aura du bleu, avec un peu d’orange sur les côtés. L’un d’eux portera une chemise à carreaux, d’autres peut-être une casquette, certains des lunettes, pour ne pas être violentés en cas de rixe générale, d’autres encore pourraient venir avec leur caniche. Au douzième demi, vous commencerez sérieusement à vous dire que la jeunesse d’aujourd’hui est un peu trop gentille. Vous hurlerez des insultes, afin d’animer un peu ce tas de larves de merde, et les quelques spectateurs qui se trouveront là se tourneront vers vous en souriant gentiment, comme on le fait devant un bambin capricieux. Vous aurez une légère impression de malaise et commanderez une autre bière. Quelques instants après, vous vous agiterez comme un dément sur du funk ou du jazz, en essayant d’entraîner les autres dans votre tourbillon, allez les mecs, vous dormez ou quoi ? Putain j’ai une de ces patates moi… Dix minutes plus tard, vous ouvrirez de nouveau la porte du bar, en espérant vaguement que personne ne vous aura vu vomir dans le caniveau. Le mélange musique-vidéo-lumières, ça ne vous réussit décidément pas. Le lendemain, vers 14 heures, vous vous réveillerez collé à votre oreiller par un filet de bave, les cheveux en colère, et vous n’aurez plus aucun souvenir du déroulement de la soirée de ce vendredi 11 février 2005.

Raphaël Juldé